(OLJ / Par Julie KEBBI, le 02 avril 2021)
C’est une visite qui marque une « nouvelle ère » dans les relations entre l’Irak et l’Arabie saoudite, selon le quotidien saoudien al-Riyadh. Accompagné d’une délégation composée de ministres et d’hommes d’affaires irakiens, le Premier ministre irakien Moustafa Kazimi s’est rendu dans la capitale saoudienne mercredi où il a rencontré le prince héritier Mohammad ben Salmane (dit MBS). Attendu, ce déplacement avait notamment pour objectif d’envoyer un message d’unité entre Bagdad et Riyad, dans le sillage d’une attaque de drones contre le palais d’al-Yamamah, la résidence officielle du roi Salmane, en janvier dernier et qui aurait été lancée depuis l’Irak par une milice affiliée à l’Iran, selon des sources citées par l’agence Associated Press. Image d’autant plus symbolique, la rencontre entre Moustafa Kazimi et MBS a eu lieu dans ce même palais. « Nous ne permettrons aucune attaque contre le royaume (…) il n’y a eu aucune attaque (depuis l’Irak) », a déclaré le chef du gouvernement irakien face aux journalistes à l’issue de sa réunion avec le dauphin saoudien. Fervent défenseur d’une politique de réhabilitation de l’État face aux milices pro-iraniennes, Moustafa Kazimi voit cependant ses objectifs mis à mal par les plans de Téhéran, qui dispose d’une large influence en Irak et au sein des institutions publiques. « Certains ont tenté de perturber les relations entre les deux pays », a-t-il souligné, sans donner davantage de détails.
Moustafa Kazimi, qui entretient des liens personnels avec MBS et des relations houleuses avec l’Iran, joue un véritable numéro d’équilibriste entre les deux puissances régionales depuis son arrivée à la tête du gouvernement irakien en mai 2020. « Le gouvernement irakien est clairement à la recherche d’une autre source de soutien et de leviers qu’il puisse utiliser pour gagner un peu plus de liberté face à la domination iranienne et s’approprier progressivement l’autorité sur les milices pro-iraniennes qui déstabilisent tellement le pays. Il a également besoin d’un soutien financier », souligne Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute.
Une opportunité pour l’Arabie saoudite qui cherche à gagner en influence dans l’arrière-cour de l’Iran en tablant sur des outils diplomatiques et politiques ou encore économiques, au moment même où Washington et Téhéran cherchent à raviver l’accord sur le nucléaire iranien, pouvant mener l’administration américaine à lâcher du lest sur le plan des sanctions économiques et politiques pour ramener la République islamique à la table des négociations. « Toute la région traverse une période de repli, de consolidation et de manœuvres depuis que les guerres régionales, qu’elles soient directes ou indirectes pour diverses puissances, sont en grande partie résolues, bloquées, et où leur retour sur investissement n’est plus aussi fructueux qu’auparavant. L’Irak entre aussi largement dans cette catégorie », indique Hussein Ibish.
Avancer ses pions
Selon la chaîne saoudienne al-Arabiya, Riyad et Bagdad ont signé mercredi cinq accords dans les domaines financier, commercial, économique, culturel et médiatique et sont convenus d’établir un fonds commun avec un capital estimé à trois milliards de dollars, qualifié dans un communiqué conjoint de « contribution du royaume » pour stimuler les investissements dans l’économie irakienne. Ils ont également prévu d’achever un projet d’interconnexion électrique « en raison de son importance pour les deux pays », et de maintenir leur coopération dans le secteur énergétique pour maintenir la stabilité sur le marché mondial du pétrole, alors qu’ils sont les deux principaux producteurs d’or noir au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).
« Ce déplacement en Arabie saoudite fait suite à des visites similaires du président irakien Barham Saleh aux Émirats arabes unis. Riyad et Abou Dhabi souhaitent s’ouvrir à l’Irak en investissant dans ses secteurs de l’énergie, de l’électricité et des transports », fait remarquer Michael Knights, expert au Washington Institute for Near East Policy. La semaine dernière, Moustafa Kazimi et le roi Salmane se sont notamment entretenus par visioconférence en vue d’intensifier la coopération entre leurs pays.
Alors que le royaume wahhabite cherche à avancer ses pions dans la région, Riyad et Bagdad ont rétabli leurs relations diplomatiques en 2015 – rompues depuis 1990 pendant la seconde guerre du Golfe – sous l’impulsion de Washington et dans le cadre de la lutte contre l’État islamique, les deux pays ont multiplié les initiatives en vue de réchauffer davantage leurs relations. Signe de cette volonté, Moustafa Kazimi devait notamment effectuer son premier déplacement à l’étranger à Riyad en juillet 2020, avant de devoir l’annuler à la dernière minute suite à l’hospitalisation du roi Salmane. Il s’était finalement rendu à Téhéran pour rencontrer le guide suprême iranien Ali Khamenei. Quatre mois plus tard, le poste transfrontalier entre l’Irak et l’Arabie saoudite était rouvert, après 30 ans de fermeture, dans l’objectif de permettre de laisser passer des individus et de stimuler les échanges commerciaux entre les deux pays.
C’est une visite qui marque une « nouvelle ère » dans les relations entre l’Irak et l’Arabie saoudite, selon le quotidien saoudien al-Riyadh. Accompagné d’une délégation composée de ministres et d’hommes d’affaires irakiens, le Premier ministre irakien Moustafa Kazimi s’est rendu dans la capitale saoudienne mercredi où il a rencontré le prince héritier Mohammad...