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Info - Israel - Government - Le chemin tortueux de Yaïr Lapid pour rallier une majorité

Le chef de la formation centriste Yesh Atid mise sur un "bloc du changement" réunissant des élus de la gauche, du centre, de la droite, mais aussi de partis arabes.

Par Guillaume LAVALLÉE / le 07 mai 2021 - OLJ/AFP/

 

 

Rallier la droite radicale et des députés arabes, ne pas s'aliéner la gauche, mettre de côté son égo: le chef de l'opposition israélienne Yaïr Lapid devra naviguer finement pour mettre un terme à "l'ère Netanyahu" en Israël.

 

Après l'échec du Premier ministre Benjamin Netanyahu à former un gouvernement dans les délais prescrits malgré sa première place aux élections législatives de mars, le président israélien Reuven Rivlin a donné mercredi soir à son rival Yaïr Lapid 28 jours pour tenter de former un gouvernement. Et pour y parvenir, le chef de la formation centriste Yesh Atid ("Il y a un futur") doit réunir au moins 61 députés sur les 120 de la Knesset (Parlement), et mise sur un "bloc du changement" réunissant des élus de la gauche, du centre, de la droite, mais aussi de partis arabes.

 

Une tâche compliquée alors que les élections de mars ont été les quatrièmes en moins de deux ans en Israël, chaque scrutin n'arrivant pas soit à faire de vainqueur, soit à déboucher sur un gouvernement stable.

 

Q : Quelles sont les forces politiques en présence ?

La scène politique israélienne est hyper-fragmentée avec un total de 13 partis ayant fait élire des députés en mars. Au cours des dernières semaines, le Likoud de Benjamin Netanyahu a tenté de former un "gouvernement de droite" avec les formations ultra-orthodoxes et le parti d'extrême droite "Sioniste religieux". Mais deux partis de droite ont refusé de joindre ce gouvernement: la formation conservatrice "Nouvel Espoir" de l'ex-Likoud Gideon Saar et le parti de droite radicale Yamina de Naftali Bennett, privant M. Netanyahu des sièges manquants pour former un gouvernement.

 

Yaïr Lapid, lui, compte sur les appuis de la gauche (Meretz, Travaillistes), du centre mais aussi de voix à droite hostiles à Benjamin Netanyahu, à l'instar de Gideon Saar, alors que M. Bennett joue pour le moment les "non-alignés". Ces forces politiques réunies, Yaïr Lapid compte sur 51 députés, soit dix de moins que le seuil de la majorité.

 

Q : Comment Yaïr Lapid peut-il parvenir à la majorité de 61 députés ?

 

Il doit s'entendre avec le parti Yamina de Naftali Bennett (sept députés) et au moins un des deux partis arabes du pays, la liste arabe unie (six élus) et/ou la formation islamiste Raam de Mansour Abbas(quatre élus).

 

"La seule option qui semble viable est un gouvernement Lapid/Bennett dans lequel Bennett est le premier à exercer le rôle de Premier ministre" et obtenant un soutien arabe, estime Gayil Talshir, professeure de Sciences politiques à l'université hébraïque de Jérusalem. "Mais le grand problème de ce +gouvernement du changement+ tient à ce que la droite menée par Netanyahu, des rabbins (...) mettent une pression énorme sur les épaules des députés de Yamina pour s'opposer à ce gouvernement", ajoute-t-elle dans un entretien à l'AFP. Déjà, un député de Yamina, Amichaï Chikli, a dit ne pas soutenir une alliance Bennett/Lapid. Et un député arabe a dit la même chose, ce qui signifie que le seul soutien des partis arabes ne sera pas suffisant pour atteindre le seuil des 61 députés.

 

Q : Pourquoi Naftali Bennett pourrait-il être Premier ministre ?

 

Yaïr Lapid ne peut espérer former un gouvernement sans au moins le soutien de Naftali Bennett. Dans une rotation du pouvoir, "Naftali Bennett serait donc le premier à être Premier ministre (...) Lapid devra donc repousser son rêve d'être Premier ministre", note l'analyste israélien Shmuel Rosner.

 

Les pourparlers entre partis susceptibles d'adhérer à ce "bloc du changement" ont déjà débuté. "A l'heure où l'on se parle, la structure générale de ce à quoi pourrait ressembler ce gouvernement semble établie mais rien n'est absolument réglée", note Eran Vigoda-Gadot, professeur à l'université de Haïfa. Les partis doivent s'entendre sur une répartition des ministères, des postes clés, tout en évitant les sujets sensibles qui divisent la gauche et la droite, note la presse israélienne.

 

Si, au final, des élus arabes ou de la gauche refusent de soutenir un gouvernement mené par Naftali Bennett, voire si des députés de Yamina, eux-mêmes sous pression, s'opposent à cette coalition, d'autres noms pourraient surgir comme potentiels Premier ministre à l'instar de Gideon Saar ou Benny Gantz, ancien chef de l'armée. Et si ce "gouvernement du changement" ne voit pas le jour, Israël retournera aux urnes pour une cinquième fois en un peu plus de deux ans...

 

Rallier la droite radicale et des députés arabes, ne pas s'aliéner la gauche, mettre de côté son égo: le chef de l'opposition israélienne Yaïr Lapid devra naviguer finement pour mettre un terme à "l'ère Netanyahu" en Israël.