De Biden vice-président à Biden président : 5 ans de politique américaine envers Nord Stream 2
Par Sami RAMDANI, le 2 mai 2021
Sami Ramdani est doctorant à l’Institut Français de Géopolitique (IFG) de l’Université Paris 8. Sa thèse, « Analyse géopolitique du projet Nord Stream 2 », est soutenue par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Il est associé à l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM) et à l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée. Ses recherches portent sur l’approvisionnement en gaz de l’Union européenne.
Géopolitique de l’énergie. Dans cet article, Sami Ramdani présente brillamment 5 années de politique américaine envers le gazoduc Nord Stream 2. Il explique clairement l’impact de l’action législative du Congrès afin de comprendre le contexte dans lequel la nouvelle administration américaine récupère le dossier Nord Stream 2 alors que Joe Biden a mis en avant sa volonté d’apaiser les relations transatlantiques, en particulier avec l’Allemagne. Illustré d’une carte des sièges des entreprises sanctionnées et des Etats opposés, favorables ou neutres.
NORD STREAM 2 est un gazoduc qui doit relier directement, sans pays de transit, la Russie à l’Allemagne, à travers la mer Baltique. Il a une capacité annuelle de 55 milliards de mètres cubes, ce qui correspond à 11 % de la consommation annuelle de l’UE. Il vient doubler le Nord Stream 1 mis en service en 2012. Le projet permettrait à l’Allemagne de devenir l’acteur central de la distribution du gaz dans l’UE. Le projet est financé par la firme Gazprom à hauteur de 50 % et par ses partenaires européens, le Français Engie, les Allemands Uniper et Wintershall, l’Autrichien OMV et l’Anglo-néerlandais Shell à hauteur de 10 % chacun. La société en charge du projet, Nord Stream 2 AG, est cependant détenue à 100% par Gazprom car en août 2016, l’autorité polonaise de la concurrence a rendu impossible la constitution d’un consortium comprenant les partenaires européens. Le coût du projet est évalué à 11 milliards d’euros. Son achèvement était prévu pour 2019 mais les nombreux obstacles qu’a rencontré le chantier font qu’il n’est toujours pas fini à ce jour.
Fin août 2016, Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, s’est rendu à Stockholm pour déclarer l’opposition de son pays au projet Nord Stream 2. Joe Biden opérait alors comme responsable du dossier ukrainien au sein de l’administration Obama. Les dirigeants américains craignent que le Nord Stream 2 affaiblisse stratégiquement et économiquement l’Ukraine tout en augmentant la dépendance de l’UE au gaz russe notamment en limitant la politique européenne de diversification des approvisionnements engagée en Europe centrale et orientale. Au-delà de la traditionnelle volonté de limiter l’influence russe à l’ouest, la politique américaine envers Nord Stream 2 est également influencée par le besoin de l’industrie gazière locale de sécuriser des débouchés à l’exportation. La conjugaison de ces éléments a conduit à l’adoption de mesures agressives à l’égard de certains intérêts européens sous l’administration Trump.
Dans cet article, nous reviendrons en détail sur ces mesures avec une attention spécifique accordée aux réactions allemandes. L’objectif est de comprendre le contexte dans lequel la nouvelle administration américaine récupère le dossier Nord Stream 2 alors que Joe Biden a mis en avant sa volonté d’apaiser les relations transatlantiques, en particulier avec l’Allemagne.
Pour cela nous reviendrons chronologiquement sur les évènements. Nous soulignerons les intérêts commerciaux qui transparaissent des premières actions des parlementaires américains et de l’administration Trump. Dans un second temps nous analyserons la concrétisation des menaces américaines corrélée à la montée en puissance du Congrès. Enfin nous exposerons les perspectives qui se dessinent depuis la prise en main de la question par l’administration Biden.
Carte des sanctions américaines dont l’impact dépasse les frontières des Etats soutenant le projet Nord Stream 2 cliquer :
Mi-juin 2017, le Sénat américain a voté un projet de loi menaçant d’amendes, de restrictions bancaires et d’exclusion aux appels d’offres américains, toutes les sociétés européennes qui participeraient à la construction de pipelines russes. Nord Stream 2 était une des principales cibles du Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act (CAATSA), ce qui a provoqué l’inquiétude des entreprises européennes impliquées Engie, Shell, Uniper, Wintershall et OMV. A ce moment, Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie, le soulignait : « La dimension commerciale [du texte] est manifeste et explicite » [1]. Les objectifs mercantiles transparaissaient au travers d’un amendement précisant que « Le gouvernement des États-Unis devrait donner la priorité à l’exportation de ressources énergétiques [américaines] afin de créer des emplois américains, aider les alliés et partenaires des Etats-Unis et renforcer la politique étrangère [américaine]. » [2].
En réaction, le Chancelier autrichien, Christian Kern, et le Ministre des Affaires étrangères allemand, Sigmar Gabriel, ont déclaré dans un communiqué commun : « L’approvisionnement énergétique de l’Europe est une question européenne qui ne concerne en rien les Etats-Unis d’Amérique. C’est à nous [les pays européens] et non aux Etats-Unis de décider de qui nous livre notre énergie et de quelle façon. ». Deux semaines plus tard, le 29 juin 2017, Sigmar Gabriel a continué de s’indigner lors d’une visite officielle en Russie : « Nous estimons qu’il est inacceptable qu’une loi [américaine] puisse demander aux Européens de renoncer au gaz russe pour nous vendre du [gaz] américain à la place, à un prix bien plus élevé » [3].
Le caractère unilatéral des menaces de sanctions américaines a placé la Commission européenne dans une position inconfortable, voire paradoxale. Alors qu’elle est elle-même opposée au Nord Stream 2 et souhaite développer le secteur GNL, l’agressivité américaine a contraint la Commission à se faire protectrice du gazoduc en défense des grandes entreprises européennes [4]. Après des négociations avec les partenaires européens, le texte ne fut pas adopté en l’état. Dans la version adoptée le 28 juillet 2017, ratifiée le 2 août, l’article 257 stipule que les États-Unis ont pour politique de « travailler avec les États membres et les institutions européennes pour promouvoir la sécurité énergétique en développant des marchés énergétiques diversifiés et libéralisés qui fournissent des sources, des fournisseurs et des itinéraires diversifiés » [5]. Surtout, en octobre 2017, le Département d’État a publié une directive contenant une exemption accordée « aux accords d’investissement et de prêt décidés avant le 2 août 2017 », date d’entrée en vigueur du CAATSA. Ainsi, le montage financier du Nord Stream 2, bouclé le 24 avril 2017, a été exclu des sanctions.
Ce compromis autour du CAATSA n’a pas empêché l’administration Trump de continuer à exercer une immense pression diplomatique sur les acteurs favorables au Nord Stream 2. Le 11 juillet 2018, un échange entre Donald Trump et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a été organisé avant l’ouverture du sommet de l’OTAN à Bruxelles. Le président américain s’est saisi de l’occasion pour accuser l’Allemagne de faire peser un risque sur l’Alliance Atlantique en construisant ce gazoduc estimant que « L’Allemagne est totalement contrôlée par la Russie, parce qu’ils vont obtenir de 60 à 70 % de leur énergie de la Russie et d’un nouveau pipeline » [6]. A ce moment, selon l’ex-conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton, Donald Trump souhaitait annoncer aux États membres de l’OTAN qu’il quitterait l’alliance si la réalisation du Nord Stream 2 se poursuivait. Dans son livre « The Room Where It Happened : A White House Memoir », John Bolton explique qu’il a convaincu, avec l’aide de Mike Pompeo, le président américain de ne pas utiliser cette menace. [7].
Deux semaines après le sommet de l’OTAN, Jean-Claude Juncker était en visite à Washington afin de répondre au souhait de Donald Trump de rééquilibrer la balance commerciale entre l’UE et les États-Unis. Dans une déclaration commune publiée à l’issue de cette rencontre, la promesse européenne concernant l’énergie s’exprime en ces mots : « nous nous sommes mis d’accord aujourd’hui pour renforcer notre coopération stratégique en ce qui concerne l’énergie. L’Union européenne souhaite importer plus de gaz naturel liquéfié des États-Unis afin de diversifier ses stocks d’énergie » [8]. Dans la perspective de devenir indépendante du gaz russe en 2022, la Pologne est l’un des Etats membres les plus intéressés par le gaz américain. En visite dans ce pays en novembre 2018, le secrétaire américain à l’Énergie, Rick Perry, a déclaré que l’option des sanctions contre Nord Stream 2 était maintenue [9].
Le 7 janvier 2019, le quotidien économique allemand Handelsblatt relayait les propos de Richard Grenell, Ambassadeur des États-Unis en Allemagne, selon qui les entreprises travaillant sur Nord Stream 2 « sont toujours en danger, car des sanctions sont toujours possibles » [10]. A Berlin, on espérait alors que le compromis de 2017 était toujours d’actualité et que ces dires n’appartenaient qu’à un individu que Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, qualifiait d’« officier colonial d’extrême droite. » [11]. Les menaces sont apparues plus sérieuses quand on a appris une semaine plus tard que Richard Grenell avait averti par courrier BASF, dont Wintershall est une filière, et Uniper du risque de sanctions si elles continuaient à participer au Nord Stream 2. Un porte-parole de Richard Grenell a ensuite expliqué que la lettre ne devait pas être considérée comme une menace mais plutôt comme un « message clair » concernant la politique américaine. Néanmoins c’est bien une tentative d’intimidation qui a été perçue côté allemand [12].
Le mois suivant, le secrétaire-adjoint américain à l’Energie, Dan Brouillette, s’est rendu à Berlin pour assister la conférence germano-américaine sur le développement du marché d’importation de GNL organisée par le ministre allemand de l’économie, Peter Altmaier. Cet évènement a offert une plate-forme aux entreprises allemandes et américaines pour « négocier des modèles commerciaux ». La conférence a également contribué à faire évoluer le cadre légal allemand de manière à favoriser développement de projets d’infrastructures GNL. La nouvelle règlementation, qui s’applique depuis le 20 juin 2019, exempte les opérateurs de terminaux GNL de 90 % des coûts de construction et d’exploitation des gazoducs de raccordement au réseau gazier [13]. Lors de leur rencontre, Dan Brouillette et Peter Altmaier ont insisté sur le fait qu’il n’y avait pas eu d’accord pour que les États-Unis abandonnent l’offensive contre Nord Stream 2 en échange du soutien allemand à la construction de terminaux GNL.
En continuité de la visite de Jean-Claude Juncker à Washington en juillet 2018, la Direction Générale de l’énergie a organisé, le 2 mai 2019 à Bruxelles, le premier B2B energy forum dans le cadre du Conseil de l’énergie UE-USA. Ce forum est un événement réunissant des décideurs gouvernementaux américains et européens ainsi que des entreprises du secteur du GNL. En renforçant les liens entre acteurs du secteur, l’objectif est de stimuler les investissements sur l’ensemble de la chaine d’approvisionnement transatlantique. La veille de l’ouverture du forum, Rick Perry, a clamé : « Les États-Unis offrent à nouveau une forme de liberté au continent européen et plutôt que sous la forme de jeunes soldats américains, c’est sous la forme de gaz naturel liquéfié » [14]. À la suite de quoi, un journaliste d’EURACTIV a demandé si « Freedom gas » était une manière adéquate de décrire les exportations de GNL américain vers l’Europe obtenant l’approbation du secrétaire américain à l’Énergie. Lors du B2B energy forum, Rick Perry, a souhaité convaincre que le gaz américain est « plus fiable » [15] que le gaz russe et a rappelé de nouveau concernant Nord Stream 2 que « l’idée que des sanctions soient possibles est encore bien réelle ». Quelques semaines après l’échange entre Rick Perry et le journaliste d’Euractiv, l’expression « freedom gas » est devenu un slogan de l’administration américaine, en témoigne le communiqué de presse annonçant l’autorisation d’exporter octroyée à la future usine de liquéfaction du terminal Freeport LNG au Texas : « accroître la capacité d’exportation de Freeport LNG est essentiel pour répandre le freedom gas à travers le monde en donnant aux alliés des États-Unis une source d’énergie propre, diversifiée et abordable » [16].
Finalement, les parlementaires américains ont décidé de cibler les sous-traitants du projet Nord Stream 2 et non les promoteurs Engie, Uniper, Wintershall, OMV et Shell. Le 14 mai 2019, le républicain Ted Cruz et la démocrate Jeanne Shaheen ont introduit un projet de loi, le « Protecting Europe’s Energy Security Act », qui vise les navires posant le tuyau [17]. Les individus qui louent de tels navires ou les vendent seraient interdits de voyager aux États-Unis et leurs actifs aux États-Unis seraient gelés. Le projet de loi prévoit aussi des sanctions pour les personnes qui fournissent des services financiers et techniques aux navires ainsi que pour celles qui les assurent. La principale cible de ce texte est la société suisse Allseas. Le projet de loi demande également au secrétaire d’État de soumettre chaque année au Congrès un rapport examinant les activités de toutes les entreprises participant au projet Nord Stream 2 afin de repérer toute entorse aux sanctions américaines contre la Russie et ses entreprises. Dans les mois qui ont suivi l’introduction du texte, le processus législatif n’a pas progressé vigoureusement mais les choses ont été accélérées par l’obtention du permis de construire danois de Nord Stream 2.
Nord Stream 2 AG a soumis sa première demande de permis de construire à l’Agence danoise de l’énergie en avril 2017. Cette demande a été retirée en juin 2019, en raison d’un amendement de la loi danoise sur le plateau continental entré en vigueur le 1er janvier 2018. Cet amendement donne au Ministère danois des Affaires étrangères le droit d’opposer son veto à la pose de conduites dans les eaux territoriales sur la base de considérations de sécurité et de défense nationales. En août 2018, Nord Stream 2 AG a soumis une demande de construction à travers la zone économique exclusive danoise au nord-ouest de l’île de Bornholm. Cependant, à la fin du mois de mars 2019, l’Agence danoise de l’énergie a exigé l’évaluation environnementale d’un nouveau tracé traversant la zone économique exclusive du Danemark au sud-est de l’île de Bornholm. L’exploration de cette nouvelle option est devenue possible suite au règlement d’un différend territorial avec la Pologne et se justifie par des considérations environnementales selon l’Agence danoise de l’énergie. Une demande de construction pour cette voie alternative a été déposée en avril 2019 par Nord Stream 2 AG qui a perçu dans l’exigence danoise « une tentative délibérée de retarder l’achèvement du projet. » [18]. Finalement, le 30 octobre 2019, après deux ans de discussions, l’Agence danoise de l’énergie a accordé à Nord Stream 2 AG un permis de construire pour le tracé au sud-est de l’île de Bornholm.
Le principal obstacle à la réalisation du Nord Stream 2 étant tombé, les législateurs américains n’ont plus eut d’autre choix que de faire adopter les sanctions pour que le chantier du Nord Stream 2 soit arrêté avant qu’Allseas ne pose les 160 derniers kilomètres du gazoduc. Le 23 novembre 2019, le président de la commission des affaires étrangères du Sénat, Jim Risch, a annoncé l’intégration du Protecting Europe’s Energy Security Act (PEESA) au projet de loi du budget de défense nationale américain, le National Defense Authorization Act of 2020 [19]. Le 3 décembre, lors d’une audition concernant la politique américaine à l’égard de la Russie, Ted Cruz a exhorté le sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, David Hale, à arrêter définitivement Nord Stream 2 : « Une stratégie qui consiste à dire "poursuivons nos options diplomatiques", à ce stade, est une stratégie qui consiste à ne rien faire. [...] Une stratégie qui aboutira avec 100 % de certitude à l’achèvement du gazoduc [...] » [20]. Le sénateur du Texas, principal Etat producteur et exportateur de gaz des Etats-Unis, a mis la pression sur ce représentant de l’administration en soulignant le consensus existant sur la question du Nord Stream 2 parmi les membres du Congrès. Ted Cruz a dénoncé les tergiversations de l’administration, notamment du département du Trésor, qui, selon lui, a empêché l’imposition de sanctions jusqu’à ce moment.
Une semaine plus tard, le russe Sergueï Lavrov s’est rendu à Washington pour y rencontrer Donald Trump et a déclaré : " Le Congrès semble plutôt obsédé par la destruction de nos relations. Il continue à poursuivre la politique entamée par l’administration Obama. Comme je l’ai dit, nous sommes habitués à ce genre d’attaques. Nous savons comment y répondre. " [21]. Le 17 décembre, le Congrès a adopté le National Defense Authorization Act of 2020. Le lendemain, les sénateurs Ted Cruz et Ron Johnson ont envoyé une lettre d’avertissement au PDG d’Allseas Edward Heerema : "les conséquences de la poursuite des travaux par votre entreprise - ne serait-ce qu’un seul jour après la signature de la législation sur les sanctions par le président - exposeraient votre entreprise à des sanctions juridiques et économiques écrasantes et potentiellement fatales". Donald Trump a signé le texte le 20 décembre 2019, et le lendemain, Allseas a déclaré avoir suspendu ses travaux.
Le jour même de la signature du texte par Donald Trump, Ulrike Demmer, porte-parole adjointe du gouvernement allemand, s’est interrogée publiquement sur les motivations américaines. Elle a fait remarquer que le geste du président américain succède d’un jour la conclusion d’un accord de principe entre russes et ukrainiens pour la poursuite du transit : "A la lumière des discussions d’hier sur le transit du gaz par l’Ukraine, ces mesures des Etats-Unis sont encore plus difficiles à comprendre, car les Etats-Unis se sont principalement justifiés en invoquant la protection de l’Ukraine" [22]. Le ministre allemand de l’économie et de l’énergie, Peter Altmaier, fut d’ailleurs remercié par Maroš Šefčovič pour son action décisive dans l’élaboration de l’accord de transit [23]. Mais même si l’Allemagne est un soutien fondamental de l’Ukraine, Yuriy Vitrenko, responsable des affaires internationales chez Naftogaz, a noté que les sanctions américaines ont eu un impact significatif sur la position de la Russie permettant ainsi d’aboutir à un accord [24].
A partir de la paralysie du chantier en décembre 2019, les observateurs se sont concentrés sur les moyens auxquels Gazprom pourrait recourir pour reprendre la construction du Nord Stream 2 par ses propres moyens. Les législateurs américains ont réagi au contournement russe des sanctions en conceptualisant un élargissement de leur champ d’application. A nouveau, les menaces sont arrivées par la voix de Richard Grenell, quelques jours avant qu’il ne quitte son poste d’ambassadeur en Allemagne. Le 26 mai 2020, il a déclaré au journal allemand Handelsblatt que l’adoption d’une nouvelle législation comportant des sanctions « pourrait avancer rapidement » malgré la campagne électorale américaine car l’idée rencontre une approbation bipartisane. Poursuivant de son ton peu diplomatique il a ajouté : « L’Allemagne doit cesser de nourrir la bête tout en ne payant pas assez pour l’OTAN » [25].
Les sénateurs Ted Cruz et Jeanne Shaheen ont annoncé le projet de loi le 4 juin 2020. Intitulé « Protecting Europe’s Energy Security Clarification Act », il inclut dans le champ des activités sanctionnables la fourniture de services de pose de conduites, d’inspection, d’assurance et de certification nécessaires à l’achèvement du projet Nord Stream 2. Ce texte est une arme à double tranchant. Premièrement, il vise plus précisément les navires chargés de la construction et leur environnement de travail. Deuxièmement, il prévoit des sanctions contre les parties fournissant "des services d’essai, d’inspection ou de certification nécessaires ou associés à l’exploitation du gazoduc Nord Stream 2". Ainsi, les sénateurs donnent aux Etats-Unis les moyens d’empêcher la mise en service du Nord Stream 2 même si celui-ci est achevé.
Cette version initiale a suscité une levée de bouclier des autorités allemandes qui ont estimé que le projet de loi menaçait les actions administratives et techniques des services publics en rapport avec l’achèvement ou l’exploitation du gazoduc [26]. Un document interne du ministère allemand de l’économie estime que cette escalade d’agressivité envers un gouvernement allié est un « développement complètement nouveau ». Lors d’une réunion des membres de la commission des affaires économiques du Bundestag le 17 juin 2020, la majorité des législateurs présents se sont exprimés en faveur de contre-mesures et ce en dépit de leurs diverses opinions vis-à-vis du Nord Stream 2.
Le 25 juin 2020, des membres de la Chambre des représentants, les Républicains Adam Kinzinger et Mike Turner, les Démocrates Denny Heck et Ruben Gallego, ont déposé un projet de loi bipartisan connexe au « Protecting Europe’s Energy Security Clarification Act ». Ces représentants de la chambre basse américaine semblent avoir été sensibles aux préoccupations des autorités allemandes. Leur version du texte supprime les mesures restrictives à l’encontre des entreprises qui se livrent à des essais, des inspections et des certifications dans le cadre d’un projet énergétique [27]. Comme pour les sanctions de décembre 2019, la version du projet de loi du Sénat et celle de la Chambre des représentants ont été débattues dans le cadre de l’adoption du budget de défense nationale américain, le « National Defense Authorization Act of 2021 ».
Le 5 août 2020, les sénateurs républicains Ted Cruz, Tom Cotton et Ron Johnson ont promis dans une lettre des « sanctions juridiques et économiques écrasantes » contre Fährhafen Sassnitz GmbH, l’opérateur du port de Murkan, centre logistique du chantier. La lettre, faisant office de « mise en demeure », accuse Fährhafen Sassnitz de « fournir sciemment des biens, des services et un soutien importants » au Nord Stream 2 et exige que l’entreprise, propriété de la ville de Sassnitz et du land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, « cesse ses activités » de soutien à la construction du gazoduc, sous peine de faire face à des « mesures potentiellement fatales » qui couperont les liens commerciaux et financiers du port avec les États-Unis [28]. Ces méthodes cavalières, ont provoqué un mouvement d’union nationale parmi les représentants politiques allemands. Heiko Mass, le ministre allemand des Affaires étrangères, a alors exprimé son mécontentement lors d’un échange téléphonique avec le Secrétaire d’État Mike Pompeo.
Finalement, les négociateurs de la Chambre des représentants et du Sénat se sont accordés sur une version du « Protecting Europe’s Energy Security Clarification Act » ciblant les assureurs et les sociétés de certification technique mais excluant les entités gouvernementales du champ d’application des sanctions. Le sénateur du New Jersey Bob Menendez, membre démocrate de la commission des affaires étrangères, a affirmé que le Congrès voulait « faire savoir clairement que l’Allemagne, en tant qu’alliée, et les fonctionnaires en Allemagne, ne feraient pas partie de ces sanctions » [29]. De plus, le texte entré en vigueur au 1er janvier 2021 exige que les États-Unis informent leurs alliés avant d’imposer des sanctions. Cette disposition a été ajoutée après que le président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Eliot Engel, représentant de New York, ait exprimé sa crainte que les sanctions nuisent plus aux pays européens qu’à la Russie.
L’entrée en vigueur du « Protecting Europe’s Energy Security Clarification Act » a engendré le retrait de près d’une vingtaine d’entreprises du projet Nord Stream 2. Il s’agit majoritairement d’entreprises d’assurance comme la française Axa ou la suisse Zurich Insurance, mais aussi d’ingénierie et de conseil comme la danoise Ramboll, l’allemande Bilfinger ou la texane Baker Hughes. Le 4 janvier 2021, DNV GL, l’entreprise norvégienne de services dans le management de la qualité et des risques, a annoncé qu’elle « cessera toutes les activités de vérification du système de gazoduc Nord Stream 2 conformément aux sanctions et tant que les sanctions seront en vigueur » ajoutant que « Dans l’état actuel des choses, DNV GL ne peut pas délivrer de certificat à l’achèvement du gazoduc » [30]. La société norvégienne, engagée pour fournir les services de certification nécessaires à la mise en service du Nord Stream 2, travaillait sur ce gazoduc depuis cinq ans. Celui-ci a donc été construit selon les normes et standards de DNV GL qui est l’une des seules au monde pouvant effectuer cette tâche. Les difficultés que Nord Stream 2 AG pourrait rencontrer dans la quête d’un remplaçant font que l’achèvement des travaux ne sera probablement pas immédiatement suivi de la mise en service du gazoduc.
Parallèlement à l’élargissement du champ d’application du PEESA, l’accélération du contournement des sanctions par Nord Stream 2 AG a également poussé l’administration Trump à revenir sur la directive d’application du CAATSA d’octobre 2017 qui épargnait les « accords d’investissement et de prêt décidés avant le 2 août 2017 ». Le 15 juillet 2020, le Département d’État a publié une directive révisée incluant explicitement le Nord Stream 2 et la deuxième branche de TurkStream [31] dans le champ d’application des sanctions relatives à la section 232 du CAATSA [32]. La nouvelle directive donne une définition large du terme « investissement » qui peut inclure les services bancaires plus basiques [33].
Certains représentants du secteur industriel allemand ont incité l’administration d’Angela Merkel à adopter des contres mesures aux sanctions. C’est le cas de la « German Eastern Business Association » (OAOEV), initialement opposée à cette idée, qui a durcit sa position après que l’ambassade des États-Unis à Berlin a proposé de manière impérative des dates de négociations à certaines entreprises afin qu’elle cesse leurs activités en relation avec le Nord Stream 2 [34]. Toutefois, l’administration allemande a favorisé l’option de la construction d’une réponse collective européenne. Le 17 juillet 2020, le haut représentant de l’UE, Josep Borrell, s’est dit « profondément préoccupé » par le recours croissant des États-Unis à des sanctions contre des entreprises et des intérêts européens. « Par principe, l’UE s’oppose à l’utilisation de sanctions par des pays tiers à l’encontre d’entreprises européennes exerçant des activités légitimes. En outre, elle considère que l’application extraterritoriale de sanctions est contraire au droit international », a-t-il déclaré. [35]. Le 12 août 2020, une délégation de l’UE à Washington, soutenue par 24 des 27 membres, s’est officiellement opposée à la menace américaine de sanctions supplémentaires contre Nord Stream 2. La délégation européenne a adressé une note de protestation au Département d’État américain lors d’une vidéoconférence. Dans son contenu, la note reprend la déclaration de Josep Borrel du 17 juillet 2020. [36].
La directive révisée d’application du CAATSA a permis à l’administration Trump, la veille de son départ le 19 janvier 2021, de désigner la première entité sanctionnée en raison de ses activités relatives à la construction du Nord Stream 2. Il s’agit de l’entreprise russe KVT-RUS, propriétaire du Fortuna, le navire employé pour la pose du gazoduc. Les autorités allemandes n’ont été prévenues qu’un jour avant [37], en dépit des dispositions du CAATSA obtenues par les Européens en 2017 stipulant que l’administration américaine « coordonnera avec les alliés des États-Unis l’imposition de ces sanctions ».
Initialement, les partenaires européens de Gazprom s’étaient engagés à financer 10% de la construction du Nord Stream 2 alors estimée à 9,5 milliards d’euros, soit 950 millions d’euros. Cependant, la directive révisée du CAATSA ne permet pas aux entreprises européennes de poursuivre leur soutien financier. En effet, dans son rapport annuel du 24 février 2021, Wintershall Dea a déclaré qu’elle n’irait pas au-delà des prêts d’une valeur de 730 millions d’euros effectués avant la révision du 15 juillet 2020. Le 4 mars 2021, un responsable d’Uniper a également déclaré que son entreprise ne prévoit pas de nouveaux financements à destination du Nord Stream 2 tout en refusant de divulguer le montant des investissements réalisés. Le 25 mars 2021 c’est OMV qui a annoncé qu’elle n’irait pas au-delà des prêts d’une valeur de 729,3 millions d’euros en dépit de l’accord de prêt prévoyant un montant de 953 millions d’euros [38]. Selon l’agence de presse russe TASS, Shell a aussi achevé son financement du projet [39]. Il semble vraisemblable qu’Engie ait agi dans le même sens. Si l’ensemble des partenaires européens ont cessé leurs financements au même stade, cela contraint Gazprom à compenser en trouvant 1 milliard d’euros supplémentaires.
Pour autant, un porte-parole de Nord Stream 2 AG a déclaré que son entreprise dispose du financement nécessaire pour achever le gazoduc : « Nord Stream 2 est un projet entièrement financé et dispose du soutien financier nécessaire pour achever la phase d’investissement et être mis en phase d’exploitation. ». Cette déclaration contredit celle du 20 juillet 2020 dans laquelle Nord Stream 2 AG annonçait que les investissements nécessaires à l’achèvement du gazoduc pourraient être bloqués par les sanctions américaines. Le porte-parole de Nord Stream 2 AG rappelait alors que les sanctions américaines, si elles étaient imposées, pourraient toucher directement plus de 120 entreprises de plus de 12 pays européens : « Dans une période économiquement difficile, les sanctions bloqueraient des investissements d’environ 700 millions d’euros pour l’achèvement du gazoduc » [40]. « Ces sanctions compromettraient également des investissements d’environ 12 milliards € dans les infrastructures énergétiques de l’UE », ajoutait-il. Ce montant comprend 8 milliards d’euros d’investissements dans Nord Stream 2, ainsi que 3 milliards d’euros d’investissements d’entreprises européennes dans des infrastructures en aval en Allemagne et 750 millions d’euros en République tchèque.
III) Une administration Biden qui souhaite ménager la chèvre et le chou
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a déclaré lors de son audition de confirmation au Sénat le 19 janvier 2021 que Joe Biden est en accord avec le Congrès pour dire que Nord Stream 2 est une « mauvaise idée » [41]. Interrogé par Ted Cruz qui voulait savoir si le nouveau président conserverait la ligne de la précédente administration et empêcherait l’achèvement du gazoduc, Antony Blinken a répondu qu’il n’avait pas encore longuement discuté de la question avec Joe Biden mais qu’il utiliserait « tous les outils de persuasion » disponibles pour convaincre les partenaires des États-Unis, notamment l’Allemagne, de ne pas poursuivre le projet.
Le 26 janvier 2021, la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, a rappelé que Biden s’oppose au Nord Stream 2 depuis le temps où il était le vice-président de Barack Obama. « Nous continuons à croire, le président continue à croire, que Nord Stream 2 est une mauvaise affaire pour l’Europe », a-t-elle déclaré, ajoutant que l’administration allait « réexaminer » les dispositions incluses dans le « National Defense Authorization Act » [42]. Suite à l’annonce du réexamen des sanctions, le journal allemand Handelsblatt a affirmé que l’administration Biden pourrait être prête à entamer des discussions avec les autorités allemandes sur leur assouplissement [43]. D’après Handelsblatt, un éventuel assouplissement des sanctions serait soumis à des conditions préalables. Les nouvelles autorités américaines souhaiteraient notamment obtenir une garantie que le flux de gaz russe via l’Ukraine soit maintenu à l’issue du contrat de transit avec Gazprom en 2024.
Dans l’éventualité où l’administration Biden souhaiterait adopter une position plus conciliante vis-à-vis du Nord Stream 2, elle devra se heurter à un Congrès américain uni dans son désir de sanctionner les intérêts russes. La Chambre des représentants et le Sénat se sont accordés de manière bipartisane pour intégrer les sanctions contre Nord Stream 2 dans les textes du budget de défense nationale de 2020 et 2021. Le « National Defense Authorization Act » est une législation annuelle qui représente une indication clé pour la définition des orientations de la politique étrangère américaine. Alors que les Républicains sont traditionnellement les plus radicaux envers la Russie, la concorde bipartisane sur la politique de sanctions résulte des élections présidentielles de 2016 que les Démocrates estiment avoir perdu en raison d’interférences russes. Tandis que Joe Biden a fait état de sa volonté de réparer le tort fait par Donald Trump à la relation germano-américaine, l’ouverture de négociations sur le Nord Stream 2 représente un risque politique pour la nouvelle administration du fait du soutien bipartisan aux sanctions.
Le 12 février 2021, Reuters rapportait que le sénateur Républicain Jim Risch et la sénatrice Démocrate Jeanne Shaheen avaient demandé, dans une lettre, au Département d’État de ne pas retarder la publication d’un rapport au Congrès, requis en vertu des sanctions adoptées dans le cadre du « National Defense Authorization Act of 2021 » [44]. Les sénateurs ont rappelé que ce rapport devait être présenté avant le 16 février 2021. Le rapport a pour fonction d’identifier les entreprises impliquées dans la construction, l’assurance et la certification du Nord Stream 2 en vue d’imposer des sanctions à ces entités. Dans leur lettre, les sénateurs s’inquiètent d’informations de presse selon lesquelles « le gouvernement allemand aurait fait une offre qui demanderait aux États-Unis de ne pas tenir compte des sanctions imposées par la loi ». Les parlementaires estiment que « La relation des États-Unis avec l’Allemagne est une pierre angulaire de l’alliance transatlantique », « Mais permettre l’achèvement du Nord Stream 2 n’est pas une voie constructive pour ce partenariat ». L’offre allemande à laquelle font référence les législateurs est contenue dans une lettre qui fut partiellement révélée par Die Zeit en septembre 2020 puis publiée en intégralité par l’association écologiste allemande DUH le 9 février 2021. Dans ce document daté du 7 août 2020, le ministre allemand des Finances Olaf Scholz (SPD) propose à son homologue américain Steven Mnuchin « d’augmenter massivement le soutien public à la construction » des terminaux GNL de Brunsbüttel et Wilhelmshaven en mettant à disposition jusqu’à un milliard d’euros, « En échange, les États-Unis permettront l’achèvement et l’exploitation sans entraves du Nord Stream 2 ». Ne laissant guère de doute quant à leur objectif, Jim Risch et Jeanne Shaheen se sont dit impatients de travailler avec le Département d’État « pour mettre un terme à ce projet dangereux ».
Par la suite le porte-parole du Département d’État, Ned Price, a rappelé la position de son administration vis-à-vis du Nord Stream 2 : « C’est une mauvaise affaire parce qu’elle divise l’Europe, elle expose l’Ukraine et l’Europe centrale à la manipulation russe, elle va à l’encontre des objectifs énergétiques et sécuritaires énoncés par l’Europe elle-même ». Puis Ned Price a déclaré que « les sanctions ne sont qu’un outil parmi d’autres » et que le Département d’État travaillera en étroite collaboration avec ses alliés et partenaires pour renforcer la sécurité énergétique européenne et se prémunir contre les « comportements prédateurs ». Interrogé sur l’intention du Département d’État de respecter la date limite du 16 février 2021, Ned Price a affirmé qu’il s’engageait à collaborer avec le Congrès pour s’assurer que les législateurs « disposent des informations dont ils ont besoin aussi rapidement que nous sommes en mesure de les leur fournir ».
Le 16 février 2021, le rapport n’a pas été publié et la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, s’est contentée d’annoncer que Joe Biden déterminera si les sanctions permettront d’arrêter le projet [45]. Cela a entrainé l’envoi d’une nouvelle lettre, cette fois émanant de la Chambre des représentants et destinée à Antony Blinken [46]. Dans cette lettre, les Républicains Michael McCaul et Adam Kinzinger ainsi que les Démocrates Marcy Kaptur et Ruben Gallego demandent à l’administration de clarifier le statut du rapport. Les représentants demandent au Secrétaire d’État d’informer le Congrès sur la façon dont il envisage le Nord Stream 2. Les législateurs ont également exigé que l’exécutif fasse connaître « toute proposition faite à l’administration Biden sur l’avenir du pipeline qui vise à persuader l’administration de renoncer aux sanctions obligatoires ou de les affaiblir ». La lettre énumère quinze navires qui seraient sanctionnables en vertu de la législation en vigueur depuis le 1er janvier 2021. À l’instar des sénateurs, les membres de la Chambre des représentants se sont dit prêts à travailler avec le Département d’État « pour contrer l’influence malveillante de la Russie, notamment en s’assurant que le Nord Stream 2 ne sera jamais achevé comme prévu par les sanctions obligatoires du Congrès visant à arrêter le gazoduc ».
Le 19 février 2021, le Département d’État a finalement publié son rapport au Congrès. Le rapport désigne le navire Fortuna et son propriétaire, KVT-RUS, en faisant les cibles de nouvelles sanctions après celles imposées le 19 janvier 2021 au titre du CAATSA. Le document identifie également 18 sociétés qui ont mis fin à leur travail sur le projet après les avertissements américains [47]. Ce rapport qui n’inclut pas d’entreprises européennes et notamment allemandes dans les entités sanctionnables fait apparaître clairement la volonté de l’administration Biden de ménager les partenaires européens.
La mise de côté d’un certain nombre d’entreprises par le rapport de l’administration Biden n’a pas été acceptée par les membres du Congrès. Jessica Skaggs, porte-parole de Ted Cruz, a fait savoir que « Le sénateur Cruz s’attend à ce que l’administration Biden remplisse ses mandats légaux pour imposer des sanctions à tout navire, assureur ou certificateur impliqué dans des activités de pose de canalisations, en partie parce qu’il sait que le Département d’État dispose déjà de toutes les informations nécessaires pour imposer ces sanctions ». Elle a ajouté : « Il est prêt à utiliser toute la palette des prérogatives du Sénat pour s’assurer qu’ils répondent à cette exigence ». Pour sa part, Michael McCaul a estimé que « les désignations de sanctions d’aujourd’hui sont totalement inadéquates » tandis que Jim Risch a jugé que « Ce rapport ne permet pas de préciser les mesures supplémentaires que l’administration Biden a prises pour appliquer pleinement la loi et mettre fin à ce projet ».
Le 23 février 2021, une réunion téléphonique classifiée entre les équipes du Département d’Etat et du Congrès a été organisée. D’après les informations d’Axios [48], les questions des représentants du Congrès ont essentiellement porté sur les raisons pour lesquelles l’administration Biden n’a pas sanctionné plus de navires travaillant sur le Nord Stream 2 étant donné qu’un certain nombre d’entre eux seraient identifiables. Au bout d’une demi-heure, l’appel s’est soudainement interrompu ce que certains Républicains ont interprété comme un acte volontaire du Département d’Etat tandis que ce dernier plaide l’incident technique. Deux jours plus tard une nouvelle réunion, cette fois non classifiée, a été organisée. Les responsables Républicains y ont affiché une hostilité croissante. L’un d’entre eux a demandé aux membres de l’administration pourquoi ils n’avaient pas sanctionné directement Nord Stream 2 AG puisque l’entreprise « s’identifie comme la société en charge de la planification, de la construction et de l’exploitation du gazoduc. ». Les fonctionnaires ont expliqué que la détermination des activités sanctionnables était un processus long. Alors qu’une porte-parole du gouvernement allemand avait évoqué « un échange entre le gouvernement américain et l’Allemagne concernant le gazoduc Nord Stream 2 », Molly Montgomery, secrétaire adjointe au Bureau des affaires européennes et eurasiennes, a nié toute négociation sur un accord qui permettrait la construction du gazoduc. Les responsables du Département d’État ont affirmé à leurs interlocuteurs du Congrès que le mot "échange" ne devait pas être interprété comme une négociation. L’administration Biden aurait simplement fait part aux Allemands de ses préoccupations concernant le gazoduc.
D’après Politico, la directrice du Conseil national de sécurité pour l’Europe, Amanda Sloat, s’inquiéterait d’une adoption trop rapide de sanctions supplémentaires alors que l’administration s’efforce de rétablir les relations entre les États-Unis et l’Allemagne [49]. Pour autant, dans une lettre adressée à Joe Biden le 3 mars, 40 sénateurs républicains ont demandé à l’administration Biden d’imposer des sanctions supplémentaires « sans délai ». Deux jours plus tard, ce sont des républicains de la Chambre des Représentants qui ont envoyé une lettre à Antony Blinken dans laquelle ils requièrent l’évaluation par le Département d’Etat de la situation de quinze navires et de trois entités (le promoteur Nord Stream 2 AG, l’assureur LLC Insurance Company Constanta et le Registre maritime russe de la navigation) que les parlementaires estiment engagées dans des activités sanctionnables. La radicalité de ces parlementaires les conduit à fermer la porte à toute proposition d’un accord qui permettrait la mise en service du Nord Stream 2 même si l’Allemagne offre d’importantes contreparties : « En outre, si l’administration Biden accepte un accord avec l’Allemagne qui renonce aux sanctions obligatoires du Congrès en échange d’un vague engagement à assurer le transit ukrainien du gaz ou d’une promesse d’investir dans les infrastructures énergétiques européennes, cela ne porterait pas seulement atteinte aux intérêts de sécurité des États-Unis et de l’Europe, mais représenterait également un affront aux prérogatives constitutionnelles du Congrès. ».
Les représentants républicains font ici allusion à des propositions tant intéressantes qu’ambitieuses relayées notamment par d’éminents membres de l’ « Atlantic Council » dans un article intitulé « Reconciling transatlantic differences over Nord Stream 2 » publié le 2 février 2021 [50]. Les trois anciens hauts fonctionnaires du Département d’Etat, Richard Morningstar et Daniel Stein, qui ont notamment grandement œuvré à la réalisation du Corridor Sud, ainsi que Daniel Fried, Coordinateur de la politique de sanctions de l’administration Obama, y esquissent des pistes ayant pour objectif de limiter les risques potentiels que le Nord Stream 2 engendrerait, notamment en Europe centrale et orientale :
. Les auteurs plaident pour une prolongation de l’accord de transit du gaz russe via et l’Ukraine au-delà de 2024 afin de garantir une source continue de revenus pour l’Ukraine. Comme pour la conclusion de cet accord en 2019, sa prolongation demanderait l’implication de la Commission européenne et de l’Allemagne dans les négociations. Des garanties financières de soutien et des sanctions contre les intérêts russes pourraient être convenues entre les occidentaux pour compenser les pertes de revenus si Gazprom renonçait à ses engagements.
. Les auteurs proposent d’encourager les acheteurs de gaz européens à désigner la frontière russo-ukrainienne comme point de livraison pour une partie de leurs achats de gaz russe et à augmenter ce volume au fil du temps. Ces acheteurs, plutôt que Gazprom, pourraient être responsables du paiement du transit par l’Ukraine, garantissant ainsi une source de revenus de transit plus fiable que les paiements russes dépendant des aléas politiques.
. Dans le cadre de l’accord d’association avec l’Union européenne, l’Ukraine s’est engagée à libéraliser ses marchés énergétiques domestiques, décarboner son économie et à s’intégrer aux marchés européens de l’énergie. Des investissements massifs sont nécessaires notamment dans le développement du réseau électrique, dans le domaine de l’efficacité énergétique, dans le développement de la production d’énergie et particulièrement d’énergies renouvelables et d’hydrogène vert. Pour atteindre ces objectifs, l’Ukraine a besoin d’une aide extérieure. L’Allemagne est le plus important contributeur économique de l’Ukraine par le biais de l’aide bilatérale et des institutions financières européennes et multilatérales. Les États-Unis font figure de principal soutien politique et sécuritaire de l’Ukraine. Partant de ce constat, les auteurs de l’ « Atlantic Council » préconisent que l’Allemagne et les Etats-Unis approfondissent leur coordination pour accompagner l’Ukraine dans ses réformes du secteur énergétique et sa transition énergétique.
. Les auteurs invitent l’Allemagne à renforcer son soutien à l’Initiative des Trois Mers en imitant l’engagement financier d’une valeur d’un milliard de dollars que les États-Unis ont promis à cette organisation. L’Initiative des Trois Mers vise à renforcer la résilience de l’Europe centrale et orientale en appuyant le développement d’infrastructures GNL et d’interconnecteurs permettant au gaz de circuler dans toutes les directions entre les pays de la région. Les auteurs estiment que l’Allemagne devrait, comme les États-Unis et la Pologne, soutenir l’adhésion de l’Ukraine à l’Initiative des Trois Mers. Cette adhésion contribuerait à l’intégration européenne de l’Ukraine en lui donnant accès à de nouvelles sources de financement. Les auteurs font valoir que ces financements seraient d’autant plus importants que les fonds européens soutenant les infrastructures d’énergies fossiles, notamment les interconnecteurs gaziers, se tarissent dans le cadre du Green Deal.
. Même si la responsabilité de la réglementation des opérations du Nord Stream 2 appartient à l’Allemagne et à l’Union, les auteurs suggèrent que les États-Unis soient consultés dans le processus d’élaboration de l’environnement réglementaire dans lequel Nord Stream 2 s’inscrira. Les auteurs estiment que l’expertise américaine pourrait s’avérer utile sur des questions telles que l’accès des tiers au réseau [51].
Alors que les points exposés ci-dessus laissent apparaître qu’une sortie de crise reposant sur une action collaborative plutôt que l’affrontement serait possible, les Républicains de la Chambre des Représentants concluent ainsi leur lettre du 5 mars 2021 à Antony Blinken : « Compte tenu de la fenêtre qui se rétrécit avant l’achèvement du gazoduc Nord Stream 2, nous vous demandons instamment de soumettre au Congrès de nouvelles désignations de sanctions dès que les informations requises sont disponibles, plutôt que d’attendre le 17 mai, date à laquelle la période actuelle de 90 jours se termine et où le prochain rapport obligatoire au Congrès est attendu. ».
Ce même 5 mars 2021, le sénateur texan Ted Cruz a annoncé sur Twitter qu’il retarderait la nomination du nouveau directeur de la CIA, William Burns : « Je lèverai mon blocage lorsque l’administration Biden remplira son obligation légale de signaler et de sanctionner les navires et les entreprises qui construisent le gazoduc de Poutine ». Le 10 mars 2021, Antony Blinken a déclaré face au Comité des affaires étrangères de la Chambre des Représentants que le Département d’Etat examinait les possibilités de sanctions supplémentaires. Le lendemain, le Secrétaire d’Etat s’est prêté au même exercice face au Comité du Sénat. Ted Cruz n’a pas été convaincu par cette annonce peu concrète et a répondu en suspendant la nomination de Brian McKeon au poste de Secrétaire d’État adjoint à la gestion et aux ressources et de Wendy Sherman au poste de Secrétaire d’Etat adjoint.
Le Texan a appuyé son geste en affirmant que la reprise du chantier du Nord Stream 2 au cours des récents mois résultait « des signaux contradictoires de l’administration Biden » quant à sa volonté d’appliquer les sanctions adoptées « avec un soutien bipartisan massif du Congrès à deux reprises ». Ted Cruz semble ainsi oublier que les préparatifs pour le redémarrage du chantier ont été entrepris sous l’administration Trump et que le Fortuna a entamé la pose des conduites dans les eaux danoises le 6 février 2021, visiblement peu embarrassé par les sanctions le visant spécifiquement décidées 18 jours avant sous l’autorité de Mike Pompeo. Il semblerait toutefois, selon les informations de Bloomberg, que l’administration Trump se préparait dans ses dernières semaines à sanctionner des entités allemandes mais n’aurait finalement pas eu le temps de le faire. Parmi les cibles potentielles figurait Matthias Warnig, le directeur général allemand de Nord Stream 2 AG [52].
Le 18 mars 2021, Antony Blinken a publié un communiqué indiquant son engagement à appliquer la législation. Peu après, Ted Cruz a levé la suspension des nominations de William Burns et Brian McKeon tout en maintenant la suspension de Wendy Sherman jusqu’à ce que l’administration impose pleinement les sanctions aux entités identifiées par les membres du Congrès. Malgré le signe de bonne volonté que constitue le communiqué d’Antony Blinken, la pression parlementaire ne s’est pas relâchée et s’est à nouveau exprimée le 23 mars 2021 par la voix de deux sénateurs démocrates. Dans leur lettre, Jeanne Shaheen et Bob Menendez ont demandé à l’administration de s’engager dans une « poussée diplomatique complète » pour arrêter Nord Stream 2 : « L’administration Trump n’a pas réussi à arrêter définitivement ce gazoduc et, pendant près de quatre ans, n’a jamais utilisé les outils de sanctions disponibles pour le faire, nous apprécions donc votre leadership pendant cette période critique où le gazoduc est sur le point d’être achevé » [53].
Parallèlement à la réception de cet appel à être encore plus ferme que ses prédécesseurs, Antony Blinken assistait à sa première réunion à Bruxelles avec ses homologues de l’OTAN. Le Secrétaire d’Etat, dos au mur, s’y est fait le relai des exigences du Congrès en déclarant : « Une loi aux États-Unis nous oblige à sanctionner les entreprises qui participent aux efforts pour achever le gazoduc » [54]. Certains membres de l’administration semblent tout de même rester déterminés à limiter la casse. D’après Politico, au cours du mois de mars 2021, le Département de la Justice a donné son accord juridique à au moins deux trains de sanctions visant Nord Stream 2 AG et son PDG Matthias Warnig [55]. Mais cette approbation aurait été annulée dans la première moitié d’avril 2021 car certains fonctionnaires auraient estimé que ces entités européennes n’atteignaient, pour le moment, pas le « seuil légal » nécessaire pour être sanctionnées. Du côté du Congrès, ce « seuil légal » est vivement dénoncé comme étant une notion floue.
*
Le PEESA autorise le président à mettre fin aux sanctions si l’administration certifie au Congrès « que des garanties appropriées ont été mises en place » pour minimiser la capacité de la Russie à utiliser le projet de gazoduc sanctionné « comme un outil de coercition et un levier politique », et pour garantir « que le projet n’entraînera pas une diminution de plus de 25 % du volume des exportations énergétiques russes transitant par les gazoducs existants dans d’autres pays, en particulier en Ukraine » [56]. La législation et les intellectuels, comme Richard Morningstar, Daniel Stein et Daniel Fried, permettent d’imaginer une sortie de crise constructive et non conflictuelle. Mais les législateurs américains l’autoriseront-ils ? L’appétit parlementaire pour les sanctions résultent de dynamiques économiques et politiques profondes. D’une part, les Républicains sont étroitement liés à l’industrie gazière américaine qui a un besoin vital d’assurer des débouchés. D’autre part, la volonté d’attaquer les intérêts russes est une des seules sources d’entente bipartisane. Pour que Biden puisse revenir sur les sanctions il faudra qu’il soit armé d’une très forte volonté politique et d’une proposition majeure de la part de l’Allemagne.
Les dispositions du « National Defense Authorization Act of 2021 » prévoient une période indéterminée afin de consulter les alliés avant d’imposer des sanctions. Certains membres du Congrès craignent que Joe Biden profite de cette période pour retarder l’imposition de mesure plus sévères envers le Nord Stream 2. Jouer la montre pourrait être une option privilégiée par Joe Biden en espérant l’émergence d’un nouveau gouvernement allemand codirigé par les Verts. En effet, les Verts sont pressentis pour devenir les principaux partenaires de la CDU au sein de la prochaine coalition gouvernementale que produiront les élections fédérales allemandes de septembre 2021. Le 19 mars 2021, Reuters rapportait que les Verts ont inscrit dans leur programme électoral leur intention d’empêcher la réalisation du Nord Stream 2 estimant que « Le projet de gazoduc Nord Stream 2 n’est pas seulement un projet politique en raison de ses implications climatiques et énergétiques, mais aussi parce qu’il cause des dommages sur le plan géopolitique - notamment au vu de la situation en Ukraine - et il doit donc être arrêté » [57].
Le rôle primordial que le Congrès joue dans la posture que les Etats-Unis adoptent vis-à-vis du Nord Stream 2 met en exergue le fait que les divergences stratégiques qui traversent la communauté transatlantique sont structurelles et non pas le fait d’un seul homme, le président Trump, bien que sa personnalité ait cristallisé les tensions. Le positionnement extrêmement dure de l’administration Trump et du Congrès place l’administration Biden en position d’exiger d’importantes contreparties lors des négociations avec l’Allemagne.
Côté russe, la prolongation du contrat de transit par l’Ukraine jusqu’en 2024 fait que la mise en service du Nord Stream 2 n’est pas une urgence. Par cet accord, Gazprom dispose des capacités suffisantes pour les volumes qu’elle exporte. Les conditions semblent donc réunies pour que la bataille autour du Nord Stream 2 se prolonge encore pour un certain temps. Les innombrables points de tensions que compte le dossier sont susceptibles de produire encore de très nombreux rebondissements.
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[22] HYPERLINK "https://sputniknews.com/world/201912201077674327-us-sanctions-on-nord-stream-2-even-more-unclear-after-russia-ukraine-gas-talks---berlin/" US Sanctions on Nord Stream 2 Even More Unclear After Russia-Ukraine Gas Talks – Berlin, Sputnik, 20/12/2019.
[23] La Russie, l’Ukraine et la Commission européenne sont parvenues à « un accord de principe », Sputnik, 19/12/2019.
[24] Nadiia Burbela, Ukraine’s plans to get off energy dependence needle, Unian , 22/01/2020.
[25] US plans new sanctions against Russia’s Nord Stream 2 pipeline, Daily Sabah, 27/05/2020.
[26] Germany: US sanctions against Nord Stream may affect public administration, TASS, 12/06/2020.
[27] Steve Cowan, The US wants to introduce relaxed sanctions against “Nord stream-2”, Free news, 26/06/2020.
[28] HYPERLINK "https://www.dw.com/en/nord-stream-2-us-senators-threaten-german-port-with-crushing-sanctions/a-54473119?fbclid=IwAR1ppfgkRnzCGMfVIsuotCtpKBM5qrw-bZO3dzyTJrA9blslrFji0t6VXEE" Nord Stream 2 : US senators threaten German port with ’crushing’ sanctions, DW, 07/08/2020.
[29] Daniel Flatley, Dina Khrennikova, U.S. Targets Insurers In Latest Round of Nord Stream 2 Sanctions, Bloomberg, 11/11/2020.
[30] Andrew Rettman, US forces Norwegian firm to abandon Nord Stream 2, EUobserver, 05/01/20121.
[31] Brian O’Toole, Daniel Fried, US opens door to Nord Stream II sanctions and transatlantic tensions, Atlantic Council, 15/07/2020.
[32] Updated Public Guidance for Section 232 of the Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act (CAATSA), US Department of State, 15/07/2020.
[33] Peter Edward Jeydel, A. Cherie Tremaine, Edward J. Krauland, Brian Egan, Alexandra E.P. Baj, US Clarifies Secondary Sanctions on Nord Stream 2, Law Business Research, 20/07/2020.
[34] German businesses working on response to US Nord Stream 2 sanctions — association, TASS, 22/07/2020.
[35] Stuart Elliott, Nord Stream 2 warns of sanctions risk to gas link completion as European dissent grows, S&P Global, 20/07/2020.
[36] Steve Cowan, 24 EU countries opposed US sanctions on “Nord Stream-2” , Free news, 14/08/2020.
[37] Nord Stream 2 : US hits Russia ship with sanctions, DW, 18/01/2021.
[38] Paul Martin, Austria’s OMV latest to end Nord Stream 2 finance early, Argus Media, 25/03/2021.
[39] Uniper ends financing of Nord Stream 2, TASS, 04/03/2021.
[40] Stuart Elliott, Nord Stream 2 warns of sanctions risk to gas link completion as European dissent grows, S&P Global, 20/07/2020.
[41] Timothy Gardner, Daphne Psaledakis, U.S. imposes sanctions on Russian vessel involved with Nord Stream 2 pipeline, Reuters, 19/01/2021
[42] White House says Biden believes Nord Stream 2 pipeline is ‘bad deal’ for Europe, Euractiv, 27/01/2021.
[43] US open to easing Nord Stream 2 sanctions, bne IntelliNews, 03/02/2021.
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[45] White House says Biden believes Nord Stream 2 bad deal for Europe, Reuters, 16/02/2021.
[46] Dan De Luce, Lawmakers urge Biden administration to update Congress on sanctions against Russian gas pipeline, NBC News, 17/02/2021.
[47] Timothy Gardner, Patricia Zengerle, Biden administration designates Russian ship as helping to build Nord Stream 2 pipeline, Reuters, 20/02/2021.
[48] Jonathan Swan, Scoop : Biden admin call on Putin pipeline provokes GOP anger, Axios, 27/02/2021.
[49] Natasha Bertrand, Andrew Desiderio, Biden’s Russia pipeline dilemma just got worse — and he has Ted Cruz to thank, Politico, 05/03/2021.
[50] Daniel Fried, Richard L. Morningstar, Daniel D. Stein, Reconciling transatlantic differences over Nord Stream 2, Atlantic Council, 02/02/2021.
[51] L’accès des tiers au réseau est un principe de régulation obligeant le propriétaire d’une infrastructure à garantir un accès équitable à cette infrastructure aux différents acteurs du marché.
[52] Nick Wadhams, Vanessa Dezem, US seen leaving Germans off Nord Stream 2 sanctions list : Report, Bloomberg, 19/02/2021.
[53] Stuart Elliott, Calls build to accelerate US sanctions pressure against Nord Stream 2, S&P Global, 24/03/2021.
[54] Irina Tarassova, Le Nord Stream 2, pomme de discorde entre Berlin et Washington : l’administration Biden veut « être bien comprise », Sputnik, 29/03/2021.
[55] Natasha Bertrand, Andrew Desiderio, Forthcoming Russia sanctions won’t include Nord Stream 2, Politico, 15/04/2021.
[56] Paul Belkin, Michael Ratner, Cory Welt, Russia’s Nord Stream 2 Pipeline : Continued Uncertainty, Congressional Research Service, 08/02/2021.
[57] Germany’s Greens vow to scrap Russian gas pipeline after election, Reuters, 16/042021.