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Article 1 _ About Robert Malley

Robert Malley, un éventuel come-back diplomatique qui fait des remous

L’information circule depuis quelques jours et suscite déjà des remous. Robert Malley – ancien conseiller du président Barack Obama pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et le Golfe et négociateur de l’accord sur le nucléaire iranien – pourrait être le prochain envoyé spécial de l’administration Biden pour l’Iran. Si cette nomination se confirme, elle serait emblématique du virage que souhaite prendre le nouveau président américain par rapport à son prédécesseur en matière de politique étrangère et des efforts qu’il souhaite investir dans la reprise des négociations avec Téhéran, après la sortie de l’accord sur le nucléaire des États-Unis en 2018, sous le mandat de Donald Trump. Elle enverrait un signal fort en direction de l’Iran, à quelques mois seulement de l’élection présidentielle iranienne.

La possible désignation de Robert Malley est pourtant loin de faire l’unanimité, le diplomate à la longue carrière ne manquant pas de détracteurs. Les néoconservateurs et les faucons américains lui reprochent avec virulence d’être supposément anti-israélien et iranophile. Une partie des progressistes l’accuse par ailleurs d’être complètement passé à côté des soulèvements populaires qui bouleversent le monde arabe depuis 10 ans. « Nommer un homme qui est toujours enfermé dans de vieux schémas et qui considère les individus comme quantité négligeable serait le pire signal à envoyer pour le 10e anniversaire des “printemps arabes”, dans le cadre desquels l’Iran a joué un rôle contre-révolutionnaire de premier plan », commente Muhammed Idrees Ahmad, directeur du programme international de journalisme à la Stirling University. À travers le think tank International Crisis Group (ICG) où il a longtemps officié comme directeur du programme Moyen-Orient – Afrique du Nord, avant d’en devenir le vice-président, puis, depuis janvier 2018, le président, Robert Malley, a défendu une ligne résolument ouverte envers l’Iran et en conformité avec son hostilité aux sanctions imposées par Donald Trump à la République islamique ces quatre dernières années.

D’aucuns fustigent cependant une tendance à la complaisance vis-à-vis du régime de Téhéran aussi bien en interne qu’au regard de son expansion régionale. « Robert Malley tout comme ICG sont tout à fait conscients des intérêts iraniens en matière de politique étrangère, dont certains peuvent être considérés comme légitimes. Mais ils ne tombent pas dans le piège de l’obsession autour du rôle de l’Iran », nuance Ali Fathollah-Nejad, spécialiste de l’Iran anciennement affilié à la Brookings Institution in Doha (BDC) et au German Council on Foreign Relations (DGAP). « Ils peuvent toutefois avoir tendance à minimiser le fait que l’Iran a effectivement trop présumé de sa situation dans la région au cours de la dernière décennie, ouvrant la voie à la perte de son ancien soft power et alimentant des sentiments anti-iraniens assez considérables, en particulier en Irak et au Liban », ajoute-t-il.

Palestine vs Syrie

Né en 1963 à New York d’un père juif égyptien d’origine syrienne, figure de la lutte pour la décolonisation, et d’une mère américaine qui travailla pour le Front de libération national (FLN) algérien, Robert Malley déménage en 1969 avec sa famille à Paris où ses parents fondent la revue Afrique-Asie, qui, d’après un article du quotidien Le Monde en 1987, se classe alors « au premier rang de la presse tiers-mondiste de langue française ». Selon le Guardian, la dénonciation sans détour de la politique française et des alliés de Paris sur le continent africain sont à l’origine de l’expulsion des Malley du territoire en 1980 par le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing.

De cet héritage, Robert Malley semble avoir gardé, à l’orée des années 2000, la volonté de contrebalancer quelque peu le discours dominant américain en matière de politique étrangère. Assistant spécial du président Bill Clinton sur la question israélo-arabe entre 1998 et 2001, il donne l’image d’un personnage à contre-courant, à plus forte raison parce qu’il remet publiquement en cause le récit officiel relatif à l’échec des négociations de Camp David entre Israéliens et Palestiniens qui attribuait l’entièreté de la responsabilité du naufrage à Yasser Arafat, chef de l’Autorité palestinienne. M. Malley se singularise en évoquant notamment, dans un article publié en 2001, la tactique du Premier ministre israélien Ehud Barak visant à formuler une offre que ne pouvait pas accepter le leader palestinien. La démarche du diplomate provoque alors l’ire des défenseurs inconditionnels d’Israël. « Cela témoigne de la droiture du personnage. Il a été d’une honnêteté extraordinaire, je dirais même historique », confie Leïla Shahid, ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg. « Jusqu’à ce jour, il y a des gens qui lui reprochent d’avoir osé écrire un article disant que Arafat n’était pas l’unique responsable du “no deal”. Or c’est absolument exact », abonde Aaron David Miller, ancien conseiller et négociateur auprès de différentes administrations américaines.

Si Robert Malley semble en général avoir plutôt bonne presse du côté des soutiens de la cause palestinienne, il est en revanche beaucoup plus critiqué dans les milieux militants syriens ou encore irakiens, en grande partie du fait de la politique de l’administration Obama par rapport à l’Iran et à la Syrie. Si le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken a mentionné l’échec de l’administration Obama sur la Syrie et évoqué des regrets, le ICG avait, dans le sillage de l’attaque chimique du 21 août 2013, publié un communiqué dans lequel il alertait contre toute intervention contre le régime, en dépit de la violation de la ligne rouge que Barack Obama avait lui-même tracé. La suite est connue. « La doctrine Obama a été à juste titre alimentée par des préoccupations liées aux conséquences catastrophiques de la guerre américaine de 2003 en Irak et à ses retombées géopolitiques considérées comme une erreur stratégique pour les intérêts américains, résume Ali Fathollah-Nejad. Cependant, malgré ces critiques légitimes concernant un usage aussi militariste que myope de la puissance militaire américaine, le bébé a été jeté avec l’eau du bain et la non-intervention est devenue le nouveau mantra par opposition à l’interventionnisme néo-conservateur. »

L’information circule depuis quelques jours et suscite déjà des remous. Robert Malley – ancien conseiller du président Barack Obama pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et le Golfe et négociateur de l’accord sur le nucléaire iranien – pourrait être le prochain envoyé spécial de l’administration Biden pour l’Iran. Si cette nomination se confirme, elle serait emblématique...