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Analyis - Info - French - Paris et Londres « main dans la main » sur le dossier libanais

(OLJ / Par Anne-Marie El-HAGE, le 02 avril 2021)

Renforcer les pressions sur les protagonistes libanais responsables de l’obstruction dans la formation d’un gouvernement capable de s’atteler aux réformes. Œuvrer donc à induire un changement de leur comportement afin de faciliter une sortie de crise, tout en laissant entrevoir la possibilité de sanctions à l’égard de dirigeants libanais. L’appel de Paris semble aujourd’hui faire son chemin, du côté de Londres notamment. Sachant qu’au final, seul le Liban peut enclencher le processus de formation d’un gouvernement capable de mener les réformes réclamées par la communauté internationale, en réalisant les compromis nécessaires.

Car les dirigeants libanais ne peuvent persister avec leurs anciennes pratiques, alors qu’on observe, sur le plan local, des cas de malnutrition d’enfants, une montée des groupes extrémistes et une hausse de la grande criminalité, qui viennent se greffer sur l’instabilité régionale et une augmentation sensible du phénomène migratoire. Un scénario source de forte inquiétude pour les diplomates occidentaux qui ont récemment multiplié les rencontres avec les leaders locaux de différents bords, histoire de rappeler que l’effondrement sera d’autant plus douloureux que les décisions tardent à venir. Et que le pays du Cèdre court à la catastrophe, toutes communautés confondues. La formation du gouvernement n’étant que le début d’un processus long et difficile, avec pour point de départ la réduction des dépenses, l’augmentation des exportations, la lutte contre la corruption, l’adoption d’un programme cohérent de coopération avec le FMI… Lancé le 29 mars dernier pour la énième fois par le chef du Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian, dans le cadre de l’initiative française pour la formation d’un gouvernement de mission, l’appel de Paris fait assumer à l’ensemble des forces politiques libanaises « l’entière responsabilité de l’impasse ». Même s’il est évident que le chef de la diplomatie française considère le camp présidentiel comme étant le principal obstacle à la naissance du cabinet. Il invite expressément toutes les parties à former « un gouvernement compétent, prêt à travailler sérieusement et dans l’intérêt général, à la mise en œuvre de réformes connues de tous ». « Après sept mois de blocage, l’heure est venue de renforcer les pressions pour y parvenir. » La réflexion est donc engagée avec ses homologues européens en vue « d’identifier les leviers » dans ce sens.

Objectif : changer les rapports de force

Pour Paris qui mobilise l’ensemble de ses partenaires possibles sur le dossier libanais, Londres est un partenaire de choix, a fortiori auprès de l’armée libanaise. « Nous travaillons main dans la main avec les Britanniques sur le dossier libanais et sur le plan régional, dans le cadre de la lutte antiterroriste », confirme à L’OLJ une source politique française. Sans oublier qu’entre Paris et Londres, « la relation stratégique et sécuritaire demeure plus que jamais », malgré le Brexit. « Les deux armées travaillent ensemble, les deux capitales partagent des programmes d’armement et de défense, et sont embarquées avec les USA, l’Allemagne, la Russie… dans des discussions avec Téhéran sur le nucléaire iranien », précise la source. « Et si une politique de sanctions voit le jour, elle sera cohérente entre l’Union européenne et Washington, sachant qu’entre les deux, il y a le Royaume-Uni », ajoute cette source qui rappelle que la France a demandé, en lien avec Washington, à examiner un régime européen de sanctions à l’égard des dirigeants libanais.

Même confirmation d’une source diplomatique française, qui rappelle que le Royaume-Uni fait partie des partenaires de la France, hors UE. « Notre frustration vis-à-vis de la classe politique libanaise et vis-à-vis de la situation du pays est largement partagée par la communauté internationale et les ambassades à Beyrouth », souligne cette source. « Nous conduisons dans ce cadre un dialogue régulier avec nos homologues britanniques et sommes en phase sur le diagnostic de la situation et sur la détermination à utiliser des leviers pour faire changer les choses », assure-t-elle. De telles positions concordantes ont pour objectif de « renforcer les paramètres de sortie de crise » identifiés par la France et ses partenaires internationaux, soucieux aujourd’hui « de changer les équilibres et les rapports de force au Liban et d’induire un changement de comportement au sein de la classe politique libanaise ».

Il ne suffit pas de brandir la menace

Du côté de cette classe politique, l’attentisme règne pour l’instant, alors que chaque partie campe sur ses positions. D’une part, le camp du chef de l’État Michel Aoun, et de son gendre, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui brandit le droit des chrétiens pour préserver ses acquis. D’autre part, celui du Premier ministre désigné, Saad Hariri, qui montre du doigt son adversaire politique.

« Tout ce que nous demandons, c’est que la formation du gouvernement ne réponde pas au principe des deux poids deux mesures, mais à un mécanisme bien clair de nomination des ministres. Nous avons même annoncé notre décision de ne pas faire partie du gouvernement », soutient Eddy Maalouf, député du CPL. « Et si la France, l’UE ou même le Royaume-Uni envisagent aujourd’hui des sanctions, ne devraient-ils pas, pour ce faire, comprendre qui bloque vraiment le processus ? » demande-t-il, précisant que la position du CPL ne changera pas.

Mais pour le vice-président du courant du Futur, l’ancien député Moustapha Allouche, « la question est de savoir si les efforts des Américains, des Français, des Britanniques et de l’Union européenne aboutiront à la formation d’un gouvernement de mission comme réclamé par le président Macron ». « Car il ne suffit pas de brandir la menace de sanctions, estime-t-il. Ce qui compte, c’est que le résultat réponde aux attentes des Libanais. »

Renforcer les pressions sur les protagonistes libanais responsables de l’obstruction dans la formation d’un gouvernement capable de s’atteler aux réformes. Œuvrer donc à induire un changement de leur comportement afin de faciliter une sortie de crise, tout en laissant entrevoir la possibilité de sanctions à l’égard de dirigeants libanais. L’appel de Paris semble aujourd’hui...